Séminaire 2024 : Qu’apportent les sciences participatives aux pratiques de recherche ?

Séance 1 : 16 janvier
Séance 2 : 18 mars
Séance 3 : 25 avril
A venir séances 4 & 5 les 17 & 28 mai

Présentation du séminaire :

Plaisir de partager les connaissances, nécessité de s’ouvrir au monde, nouvelle méthode d’élaboration du savoir : les sciences participatives seraient-elles un élément déterminant capable de transformer les manières de faire de la recherche ? Les sciences participatives apparaissent aujourd’hui comme une nouvelle possibilité offerte à des publics plus larges d’avoir des activités nouvelles, de faire œuvre utile ou d’être un loisir « intelligent ». Dans un contexte de défiance envers les sciences et les paroles d’autorité, elles pourraient aussi contribuer à regagner la confiance d’une partie de la population.

Pourtant, alors qu’elles sont souvent présentées comme nouvelles, les sciences participatives ne font-elles pas parties d’une longue histoire, où les amateurs, les non-professionnels, voire les intermittents de la recherche, contribuent à établir les connaissances et les diffuser ? Des contributions des petites mains lors des fouilles archéologiques, au communautés d’astronomes amateurs scrutant le ciel, en passant par les amateurs de fossiles ou de papillons, n’y a-t-il pas depuis longtemps des collectifs essentiellement mus par la curiosité qui œuvrent à la connaissance commune ? Plus qu’un geste désintéressé des communautés de recherches vers les amateurs et les usagers des sciences, cette pratique peut-elle résulter d’un besoin de main d’œuvre pour produire des résultats de recherche rapides, à bas coût et visibles ?

Mais au-delà de cela, en œuvrant à faire émerger des sujets de recherche utiles à des populations souvent mal prises en compte par les problématiques de recherche, les sciences participatives peuvent aussi être un remède à la mélancolie de communautés de recherche désireuses d’un surcroit de sens à leurs activités (recherches orphelines) ou une manière pour des communautés ayant un besoin -une urgence- spécifique d’agir pour orienter les recherches, comme en agronomie ou pour les associations de malade ? En plus des questions éthiques que pose l’implication de publiques larges, engagés et non-rémunérés, les sciences participatives suscitent des questions épistémologiques spécifiques sur les diverses pratiques émergentes et leurs fécondités.


Jeudi 25 avril de 14 h30 à 15 h30

À l’Institut Pascal – Petit Amphithéâtre
530 rue André Rivière 91400 Orsay


Mme Myriam Winance, Directrice de recherche à l’INSERM. Sociologue, elle est membre du CERMES3 (Université Paris Cité, INSERM, CNRS, EHESS). Ses recherches ont porté sur l’évolution des politiques françaises du handicap, l’histoire du secteur médico-social, et l’expérience des personnes handicapées, notamment leur usage du fauteuil roulant. Actuellement, elle s’intéresse à l’ordinaire des familles dont l’un des membres est polyhandicapé. Elle est particulièrement investie dans les démarches de recherche participative. Elle vient de publier, aux Presses des Mines, un ouvrage intitulé « Les approches sociales du handicap, une recherche politique. ».

« Des mobilisations collectives aux recherches participatives, dans le champ de la santé et du handicap »

Dans le champ de la santé et du handicap, la question de la participation des personnes aux recherches qui les concerne s’inscrit dans une histoire plus générale, qui a vu le statut des patients ou des personnes handicapées évoluer. Sous l’impulsion de mobilisations collectives, le champ de la santé a vu l’émergence d’un patient actif, voire expert, dans la relation au médecin, prenant en charge une partie du travail de soin, revendiquant ses intérêts, ou une connaissance de sa pathologie. Dans le champ du handicap, le mouvement anglo-saxon des personnes handicapées s’est constitué en opposition aux professionnels médicaux qui les cantonnaient à des positions infantilisantes et passives, en les ségrégant dans des établissements spécialisés ou en leur imposant des pratiques de réadaptation. Revendiquant leur autonomie et leur capacité à décider pour elles-mêmes, ces personnes ont défendu un modèle social du handicap, en lien avec un modèle de recherche émancipatoire. Pour ces personnes engagées dans le mouvement du handicap, les recherches sur le handicap doivent avoir pour objectif l’émancipation des personnes handicapées, et pour cela, être contrôlées par elles et s’inscrire dans un modèle social du handicap. M’appuyant sur cette histoire et ces évolutions, je reviendrai dans mon intervention sur les différents modèles de recherche participative et sur la manière dont ses recherches pensent « la participation » des personnes, et de quelles « personnes ». Je m’interrogerai sur les conditions, les enjeux et les limites de ces recherches, mais aussi sur la manière et le type de savoirs que ces recherches produisent.

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Lundi 18 mars de 14 h30 à 16 h30

À l’Institut Pascal – Grand Amphithéâtre
530 rue André Rivière 91400 Orsay


Marta Severo, Professeure des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris Nanterre.

Sciences participatives, recherches culturelles et plateformes numériques

Ces dernières années, le développement des technologies numériques a donné un nouvel élan à la figure du participant, notamment dans le domaine de la culture. Divers acteurs associatifs, institutionnels ainsi que commerciaux ont ouvert des plateformes contributives pour permettre aux citoyens de participer à la construction des savoirs. La recherche scientifique sur ce sujet tend à identifier et à décrire deux phénomènes opposés : d’une part, les plateformes amateurs enracinées dans la culture participative, et d’autre part, les plateformes institutionnelles, souvent incarnées sous la forme d’outils de sciences participatives. À travers l’analyse de plusieurs cas d’étude, cette communication se concentrera sur les motivations des participants et montrera l’intérêt de dépasser cette opposition pour étudier les circulations d’acteurs et d’idées à travers différents dispositifs numériques. En rejetant l’idée de la plateforme comme un espace numérique unique et autosuffisant, nous proposons de considérer et d’analyser la plateforme participative culturelle comme un environnement cross-média et transmédia qui met en relation des pratiques amateurs avec des recherches participatives et qui est capable de créer des zones « frontières » pouvant répondre à divers besoins expressifs collectifs et individuels.

Edwige Motte, Chercheuse/consultante en Géographie et Environnement

Les sciences participatives au service du patrimoine côtier menacé par les changements globaux dans les îles françaises de la Caraïbe : la démarche du projet ALOA

La montée du niveau marin et la multiplication des épisodes extrêmes (fortes tempêtes, cyclones) induits par le changement climatique global, conjugués à une pression anthropique accrue sur les rivages, sont autant de phénomènes qui affectent de façon grandissante les zones côtières. Sur le littoral caribéen, des centaines de sites archéologiques sont aujourd’hui menacés par une destruction plus ou moins rapide. Dans ce contexte, le projet « Archéologie Littorale Outre-Atlantique » (ALOA), pour l’heure initié en Guadeloupe, contribue à renforcer l’action des services de l’État dans les domaines de la connaissance et de la préservation du patrimoine archéologique côtier des Petites Antilles. Le projet ALOA vise ainsi à développer diverses actions de sciences participatives par l’activation d’un réseau d’observateurs utilisant un outil interactif en ligne spécifiquement créé à cet effet. Il permet de signaler les sites archéologiques littoraux nouvellement exposés. Le dispositif ALOA propose alors des préconisations à l’attention des services de l’État et des gestionnaires du territoire, concernant l’intérêt scientifique des sites menacés, leur degré de vulnérabilité, et les mesures de prévention ou d’intervention prioritaires pouvant être envisagées.

Questions du public aux intervenants

Organisateur : Julien Gargani, directeur du Centre d’Alembert

Avec le soutien de la MSH Paris-Saclay

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Mardi 16 janvier de 14 h à 16 h

À l’Institut Pascal – Petit Amphithéâtre
530 rue André Rivière 91400 Orsay (entrée libre)


Patrick De Wever, Géologue, Professeur émérite Muséum National Histoire Naturelle, longtemps chercheur en micropaléontologie il s’est particulièrement intéressé aux relations biosphère-géosphère. Aujourd’hui très impliqué dans la diffusion des Sciences de la Terre, dont le géopatrimoine.

Sciences participatives en sciences de la Terre

La nature d’aujourd’hui est le résultat de milliards d’années d’évolutions d’interrelations entre des mondes que nous classons, par facilité, comme différents: terre, air, eau, feu ou minéral, vivant… Mais de fait, ils constituent un même système où tout est lié dans le temps et dans l’espace. Ainsi, chaque arbre, chaque caillou, chaque insecte témoigne à la fois de l’instantané, présent, et d’une histoire si ancienne que l’humain a du mal à en appréhender la temporalité. Le caillou pour le géologue n’est pas « dur », il est seulement très visqueux. Le fossile, n’est pas une « curiosité » digne d’une vitrine, il témoigne d’un passé.

Il en est de même pour les roches, pour les couches, qui sont des livres de l’histoire de la Terre, d’autant plus précieux qu’ils ne se reproduisent plus.

Quand nous travaillons avec des bulldozers sur un terrain, pour manager un espace ou pour exploiter une ressource, nous bouleversons, nous détruisons des bibliothèques. Parfois, ces informations sont déjà connues, d’autres fois, elles sont ignorées. Il importe donc de veiller à pouvoir recueillir le puis d’informations possibles afin de pouvoir en évaluer les apports potentiels. Comme chaque coin de France n’est pas occupé par un géologue, chaque citoyen peut être un veilleur. « Chaque sentinelle est responsable de tout l’empire » nous a légué Saint-Exupéry (Un Sens à la Vie, 1956).


Aymeric Luneau, Sociologue au Sesstim (Aix-Marseille Université) et au médialab de Sciences Po Paris.

Esquisser une sociologie politique des sciences participatives

L’ambition de cette présentation est d’esquisser une sociologie politique (Demortain, 2019) des sciences participatives, c’est-à-dire de rendre compte des coalitions d’acteurs qui ont influé, directement ou non, sur la conception de ces « nouvelles » formes de production des connaissances scientifiques. Il ne s’agit que d’une esquisse dans la mesure où le travail d’enquête nécessaire pour identifier ces coalitions et les décrire reste largement à faire.

À travers cette esquisse, je fais l’hypothèse que les sciences participatives sont autant un facteur qu’un produit des transformations des pratiques de recherche. La présentation replacera ainsi les SP dans l’histoire des mouvements sociaux qui ont questionné le rôle des sciences dans nos sociétés contemporaines et leurs positions face à d’autres systèmes de savoirs. Mais on verra que l’émergence des sciences participatives a pu être facilitée par certaines transformations internes au champ scientifique comme la numérisation et le recours à des données massives (Charvolin, 2019).

J’illustrerai mon propos en m’appuyant sur le cas de la communauté de la Citizen Science (Luneau et al., 2021)et une série d’entretiens réalisés auprès de chercheurs et chercheuses engagés dans des programmes de sciences et de recherches participatives (Luneau, 2020).

Références

Charvolin F., 2019, Les sciences participatives au secours de la biodiversité: une approche sociologique, Paris, Éditions Rue d’Ulm (Sciences durables).

Demortain D., 2019, « Les jeux politiques du calcul: Sociologie de la quantification dans l’action publique », Revue d’anthropologie des connaissances, 13, 4.

Luneau A., 2020, « Les recherches participatives au pluriel. Quels sens pour les chercheurs de l’IRD ? », Paris, IRD.

Luneau A., Demeulenaere É., Duvail S., Chlous F., Julliard R., 2021, « Le tournant démocratique de la Citizen Science : sociologie des transformation d’un programme de sciences participatives », Participations, 2021‑3, 31.

Questions du public aux intervenants


Organisateur : Julien Gargani, directeur du Centre d’Alembert

Avec le soutien de la MSH Paris-Saclay

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