Séminaire du 4 mai 2021

Séance 8 :
La preuve en médecine. Du patient à l’Evidence-Based Medicine à la pratique clinique : la boucle est-elle bouclée ?

Mardi 4 mai 2021
14h-16h


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Contact et informations :
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Intervenants :

Pr Jean-Christophe Thalabard
Professeur émérite à la faculté de santé de l’Université de Paris, membre du laboratoire
MAP5, UMR CNRS 8145. Ingénieur de formation initiale, tourné vers les mathématiques appliquées et les statistiques, médecin AIHP, ancien CCA, il a pratiqué la gynécologie endocrinienne jusqu’en 2016 à l’APHP. Ses domaines de recherche ont concerné le contrôle neuro- hormonal de l’axe reproductif, avec une large part d’expérimentations animales, mais également les effets des expositions hormonales prolongées sur le risque de cancer du sein à travers de larges études épidémiologiques. Il s’est également largement investi dans le domaine de la méthodologie de la recherche clinique, à travers des activités d’enseignement, de participation à des protocoles d’essais et des nombreuses activités d’expertise notamment pour l’Inserm, l’APHP, l’IFSTTAR, l’ANSEM, la LNCC.

Comment fait-on preuve en médecine ? Les essais cliniques entre régime
de preuves et logique de soins

Résumé : Dans sa représentation courante, la pratique médicale vise à répondre à une plainte d’un patient en lui proposant une démarche diagnostique débouchant sur une prise en charge thérapeutique « efficace » adaptée. Le but est d’aider le retour à un état de « bonne santé » ou, à défaut, à empêcher une majoration du désordre ayant motivé la plainte. Cette plainte initiale, qui ne se réduit pas qu’à un désordre patho- physiologique, peut même être absente lorsque nous rentrons dans le domaine de la prévention ou de la médecine de confort. Pour remplir sa fonction, le soignant va s’appuyer sur une « science médicale », domaine protéiforme qui tient autant des sciences biologiques que des sciences sociales avec ses théories et ses pré- supposés. Son objet d’étude est, certes, le vivant biologique avec toute sa large variabilité, mais surtout un vivant singulier, capable de ressentir, penser et verbaliser, avec toute la subjectivité des relations humaines au sein d’une société donnée. Qui plus est, et la période actuelle l’illustre bien, la maladie, en tant qu’entité nosologique, est une notion dynamique qui peut apparaître, évoluer, disparaître en fonction des périodes et des contextes. L’approche thérapeutique, parfois tâtonnante et largement dépendante du contexte de soin, aux rationalités mouvantes, peut être source d’espoirs et de déceptions. Pour le soignant, elle s’inscrit dans un contexte de prises de décisions successives sur des horizons variables portant tant sur le diagnostic probable, que sur les choix thérapeutiques voire, dans certaines situations, sur les objectifs à atteindre. La définition de l’efficacité thérapeutique s’est progressivement affinée au cours des siècles en se focalisant sur des critères quantitatifs bien identifiés permettant de l’inscrire dans une logique de preuve expérimentale (efficacy), dont un des paradigmes est bien la médecine factuelle (Evidence Based Medicine). Il peut être intéressant de s’interroger sur l’évolution et la perception de cette médecine reposant sur les preuves par rapport à son dessein originel, où la question de l’efficacité en situation réelle non expérimentale (effectiveness) était clairement posée. A travers la mise en place d’un cadre réglementaire, l’imposition d’un regard social sur les pratiques de recherche thérapeutique a profondément changé, dans un sens positif, le paysage, même si des efforts pour plus de transparence restent encore à faire. Il reste, et ce n’est pas le moindre des enjeux, à maintenir si ce n’est rétablir, la confiance entre soignants, soigné et son entourage, « placebo » nécessaire à toute forme d’efficacité.


Pr Elie Azria 
Professeur de Gynécologie Obstétrique à l’Université de Paris,
Chef de service de la maternité Notre Dame de Bon Secours du Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph,
Chercheur en épidémiologie au sein de l’équipe « Épidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique » (EPOPé) de l’UMR 1153, travaux orientés vers l’étude des mécanismes des inégalités sociales de santé maternelle et périnatale.

De la preuve clinique à la clinique de la preuve ou la logique évolutive de l’Evidence Based Medicine 

Résumé : La connaissance médicale, un des piliers centraux de la décision médicale, est quantitativement de plus en plus difficile à délimiter, elle est de plus qualitativement extrêmement hétérogène et d’une complexité croissante avec le temps. Un des enjeux, pour le clinicien de terrain comme pour le décideur de santé publique est de pouvoir s’y orienter et choisir dans cette somme de savoirs le plus pertinent à mobiliser pour le soin. La question « Qu’est ce qui fait preuve ? » est alors cruciale et c’est autour d’elle que s’est élaboré dans les décennies 80 et 90 le paradigme de l’Evidence Based Medicine (EBM). Basée sur une approche pédagogique, conférant à l’analyse critique du fait scientifique une place centrale, le paradigme a évolué et l’EBM est devenu le nom générique d’un système producteur et prescripteur de normes, qui par le biais de standardisation des pratiques a profondément transformé la place et le rôle du clinicien, ainsi que la relation de soin. Cette évolution qui a placé une ’’administration de la preuve’’ en surplomb de l’approche clinique, a contribué à rationaliser la pratique du soin. La nature conjecturale, limitée et provisoire de la connaissance sur la base de laquelle s’opère cette rationalisation amène à toutefois à questionner encore et toujours le rapport que la preuve issue de la recherche clinique entretien avec l’incertitude. 


Organisatrice :
Annick Jacq, Directrice de recherche émérite au CNRS, microbiologiste et historienne des sciences, Unité de recherche « Etudes sur les Sciences et  les Techniques » de la faculté des sciences d’Orsay de l’Université Paris-Saclay