Séminaire du 10 avril 2013

Quels accès aux données ? Du « communisme » scientifique aux modèles propriétaires (2)

Intervenants : Michel GUIRAUD et Mélanie CLÉMENT-FONTAINE

Michel GUIRAUD, Professeur du Muséum national d’Histoire naturelle, Directeur des collections

 Les données naturalistes : un enjeu scientifique et socio-économique

Présentation M. Guiraud (pdf)

Résumé :
L’explosion des opérations d’informatisation et de numérisation des données des spécimens d’histoire naturelle pose le problème de leur mise à disposition, ou de leur restriction d’accès, lié à la fois à leur nature évolutive au fur et à mesure de l’avancée des sciences, et à l’évolution de la réglementation et des conventions internationales. Cette évolution nécessite la mise en place de nouvelles pratiques de partage.

Les collections naturalistes représentent approximativement 2 milliards de données sur la diversité biologique et géologique. Ces informations sont attachées à des spécimens collectés depuis plus de 350 ans ; ce sont des références pour la description des espèces et la documentation du changement global, mais ce aussi sont du matériel bien identifié pour des recherches appliquées. Les collections des muséums proviennent de toutes les zones géographiques, et du fait de la longue histoire, de pays dont les frontières ont changé ou qui n’existaient pas. La valeur de ces spécimens réside dans l’information scientifique qui lui est associé; cette information est enrichie et précisée en permanence par les chercheurs. Elles constituent un corpus nécessaire à la recherche en systématique et depuis plusieurs années des organismes internationaux s’attachent à les réunir pour les mettre à disposition de la communauté scientifique à travers d’immenses bases de données. Néanmoins, les outils juridiques permettant aux pays de revendiquer le bénéfice de ces ressources deviennent de plus en plus contraignants. L’accès à ces données est donc un enjeu qui dépasse les scientifiques ; les intérêts des uns et des autres peuvent s’opposer : comment gérer ce bien commun, le partager au mieux des intérêts de tous et le préserver pour les générations futures ?

Intervenante :
Mélanie CLÉMENT-FONTAINE, maître de conférences HDR, codirectrice du laboratoire Dante et du master 2 droit des NTIC de l’UVSQ

La résurgence des communs et des communautés

Résumé :
Le développement d’Internet s’est accompagné de la mise en partage accrue de la production de connaissances. Dans un premier temps, cela visait essentiellement les outils informatiques puis la pratique s’est étendue aux contenus. Le partage a consisté à permettre à tous d’avoir accès aux données. Un accès qui peut s’entendre comme la possibilité d’utiliser, de diffuser voire de modifier ces données.

De ce phénomène socio-économique d’envergure est né un conflit entre une conception « libertaire » et une conception « propriétaire » de la question de l’accès aux données. Passé ce rapport conflictuel, il est apparu nécessaire de réfléchir sur les moyens de concilier le partage et la réservation. À la lumière des études en sociologie et en économie, les réponses juridiques ont consisté à s’inspirer de notions un temps délaissées telles que les biens communs, la propriété collective et les communautés. Ces études révèlent l’ambivalence de la question de l’accès aux données qui relève à la fois d’un régime d’appropriation et d’un certain « communisme » scientifique.

Questions aux intervenants :

Animatrice de la séance :
Marie CORNU, Directrice de recherche CNRS et directrice du Centre d’études sur la coopération juridique internationale (Cecoji)